D'Agra a Varanasi
Encore une nuit à la gare. Dormis par terre. Ce matin, à 05H30, je me suis doucement réveillée et en voyant mon amoureux sur le dos, dans son sac de couchage et avec une écharpe enroulée autour de la tête pour se protéger de la lumière, je me dis alors que nous avons une bien étrange lune de miel.
Je me lève, range mon sac de couchage et lui caresse doucement la joue pour le prévenir que je m’en vais et qu’il doit garder un œil sur mes affaires.
Je m’en vais lui chercher de quoi faire un petit déj’ au « lit ». Après une petite marche à l’intérieur et à l’extérieur de la gare je reviendrais finalement avec deux cafés au lait et un paquet de gâteaux. Le luxe des backpackers.
Les gares en Inde sont pratiques. Vous pouvez y trouver tout ce dont vous avez besoin.
Nourriture et eau bien sûr mais aussi des dortoirs payants, des salles d’attentes (où nous avons dormis par terre), des WC et des pots de douche. Ce matin nous avons pu faire un brin de toilette ce que n’est pas aisé quand nous n’avons pas d’hôtes ou que nous n’allons pas en hôtel-camping-guesthouse.
A 07H35 notre train pour Kanpur arriva (avec une 01H20 de retard). Nous avons passé la matinée à jouer aux cartes, lire, écouter de la musique, admirer le paysage…
Les voyages en train… quand on y prête attention cela peut être vraiment intéressant…
Le paysage défile sous mes yeux. Je pense à la France, à Béné, Cyrile, Camille et les autres. Je pense à mon passé, à notre avenir. Nous ne sommes pas rentrés que nous avons déjà des projets.
La France nous manque mais nous savons aussi la chance qu’on a d’être sur les routes comme ça.
Je sors de mes rêveries et m’attarde sur ce qui m’entoure. Avec Benoît nous avons les sièges couloirs qui nous permettent de voir ce qui se passe dans le train et dehors aussi.
Sur les banquettes en face de nous ils sont bien 8 ou 9 quand ils sont tous assis sur la banquette inférieure.
Une belle jeune femme et ses deux enfants qui font les fous, ce jeune qui accompagne son père, les deux militaires dont 1 avec le fusil à l’épaule et cet homme emmitouflé dans son écharpe. Entre écharpe et cagoule je ne vois que ses yeux clos. Il dort et se balance au rythme du train.
Le train tangue gentiment comme une sorte de rocking chair, il berce les passagers. Je me laisse bercer et contemple le paysage. Tantôt vert, tantôt jaune, marron, gris, sale. Des vaches, chèvres, cochons cohabitent avec des voitures, des motos, des vélos, des rickshaws et des piétons. Le paysage défile ni trop vite ni trop lentement. Je le vois à travers la vitre sale du train, à travers les barreaux de sécurité.
Les maisons aux toits plats, les tentes, les camps précaires, les enfants jouant dans les ruisseaux d’eau sales et dans les ordures rappelant que nous sommes bien en Inde.
Un vendeur de thé me sort de ma torpeur criant « tchaé, coffee, tchaé… ». Il est suivi par d’autres vendeurs ambulants. Ils passent plusieurs fois depuis ce matin, assez régulièrement. Des enfants de 5 ou 6 ans, largement maquillés, font des pirouettes dans l’allée puis demande de l’argent après.
Benoît me demande ce que l’on doit faire. Leur donner de l’argent ou pas. Ou pas ! Quand nous avons à manger nous leur en donnons mais l’argent non.
Une pointe de culpabilité dans les yeux il me dit que nous on nous aide bien. Oui c’est vrai mais nous aidons aussi quand on peut… et on ne peut pas toujours.
Il est presque midi, nous allons bientôt arriver je pense alors je guette. Un groupe d’écolières marche à côté. Elles sont belles avec leurs nattes et leur uniforme. Un peu plus loin des cochons mangent dans un tas d’ordures. Cela me fait penser au « recyclage » à l’indienne. Le soir (et même la journée parfois) ils brûlent leurs tas d’ordures dans les rues en pleine ville. Cela dégage une fumée très épaisse uniforme et une odeur affreusement forte.
Finalement le train est arrivé à 12H45 à Kanpur. Nous étions affamés donc nous sommes de suite aller chercher de quoi manger. Benoît a trouvé des beignets appétissants mais fourrés avec de la viande donc il s’y est risqué tout seul. Je me suis rabattue sur la street food la plus connue, les samoussas, sorte de beignets végétariens avec de la patate et des petits pois et le tout épicé.
Après avoir marché nous sommes retournés en direction de la gare. Le problème avec notre billet de train est que nous devions attendre en tout 12 heures à Kanpur pour ensuite aller à Varanassi. Nous avons tout fait pour nous occuper à la gare car nous ne voulions pas visiter la ville. Finalement nous sommes allés prendre un goûter dans le restaurant de la gare et comme il n’y avait pas grand monde nous avons regardé un film sur le PC. Après quoi il était l’heure de manger. Nous avons pu manger un thali, une assiette avec pleins de choses différentes et des chappatis. En restaurant ça coute environ 100RS mais ici seulement 22RS, trop cool. Mais avec tout ça il nous restait bien encore 4 heures avant notre train pour Varanassi et nous avions utilisé toutes nos cartouches pour faire passer le temps. Du coup nous sommes allés commencer notre nuit dans la waiting room.
Je me suis allongée sur un banc avec ma tête sur les jambes de Benoît. Il n’avait pas sommeil et donc il a bouquiné. Les bancs n’étaient pas très confortables donc Benoît n’arrêtait pas de bouger car il avait mal aux fesses et par conséquent je n’ai pas très bien dormi non plus. Notre train devait arriver à 00H55 donc le temps de trouver notre quai nous sommes partis à 00H20 de la waiting room. J’avais faim donc nous avons acheté des gâteaux et un café sur la quai où notre train devait arriver. 10 minutes avant l’heure prévue un autre train que le nôtre est arrivé sur notre quai. Du coup on se disait qu’on devrait attendre que celui parte pour que le nôtre prenne sa place. Mais cinq minutes après l’heure officielle de l’arrivée de notre train Benoît a quand même vérifié ce qui se passait en demandant à un vendeur. Heureusement car on apprend que notre train a été changé de quai et que nous devons courir pour aller sur le bon. Ba oui ça a été annoncé par haut parleur mais en hindi et bête comme on est on ne comprend pas l’hindi. Avec mon asthme et les sac j’ai eu une crise quand on a dû courir, monter et descendre les escaliers pour attraper notre train et trouver notre wagon. Finalement quand nous sommes arrivés en bas des escaliers notre train arrivait au même moment donc nous n’avons pas eu de problèmes. Nous avons pu prendre nos places et nous endormir sur le champ.
Benoît :
Nous nous sommes tranquillement réveillés le matin, il nous restait a priori trente minutes avant la gare de Varanassi. Nous avons rangé nos sacs de couchage et j’ai pris Marie dans mes bras en attendant qu’on arrive. Nous avons mangé des bananes en guise de petit déjeuner, parfait pour l’énergie et la digestion.
A peine débarqué à la gare et comme à chaque fois une horde de conducteurs de rickshaws nous assaillent pour nous vendre leur service. Certains nous annoncent même des prix sans savoir où on veut aller. Dans ces cas là on préfère refuser tout le monde, attendre un peu, s’éloigner de ce bazar et savoir combien de kilomètres il y a pour rejoindre le centre ville ou je ne sais quoi. Mais cette fois-ci ils avaient tous des cartes de la ville donc nous avons rapidement compris qu’il y avait environ trois kilomètres pour rejoindre les ghâts (les bords du Gange). Je compte environ 10RS le kilomètre donc il nous a suffit d’exclure les filous qui voulaient nous conduire pour 50-60RS et le premier qui nous a proposé 30RS on l’a suivi. Déjà il n’essaie pas de nous arnaquer sur le prix donc il doit être en partie honnête. En plus une fois qu’on avait déjà accepté et qu’on était installé dans son rickshaw il nous a montré une sorte de livre d’or avec pleins de références positives à son sujet.
Nous n’avions pas de CSer à Varanassi et nous ne voulions pas visiter la ville avec nos 15kgs sur le dos. Nous avons donc demandé à notre chauffeur de nous conduire à une guesthouse la moins chère possible. Il nous a déposé à une à 200RS la nuit donc moins chère que la précédente à Udaipur et en plus à deux pas des ghâts. Une fois notre chambre réservée nous nous sommes dirigés vers ces fameux ghâts et surtout vers le Gange. Nous avions lu que les Indiens venaient à Varanassi quand ils étaient sur le point de mourir pour pouvoir être incinéré et jeté dans les Gange. L’eau du Gange permettrait de purifier le corps et certains pensent même que ça permettrait d’atteindre le Nirvana si notre corps est jeté dedans quand on est mort. Nous avions aussi lu que les habitants avaient pour habitude d’utiliser l’eau du Gange pour faire leur linge, la vaisselle, leur toilette ou même boire.
Nous sommes à peine arrivés que nous avons pu vérifier chacune de ces vérités. C’est quand même assez hallucinant que les gens utilisent cette eau quand on sait qu’ils y jettent tout et n’importe quoi, que les vaches y vont et font on ne sait quoi et surtout qu’ils y jettent les cadavres incinérés. Nous avons trente minutes, Marie était légèrement dégoutée de voir tout ça et perso je suis resté scotché sur ce que je voyais. Le Gange n’est pas propre pour un sou et on ne voit à peu près que jusqu’à deux centimètres en dessous du niveau de l’eau tellement qu’elle est sale. Mais les bords ne sont pas forcément mieux. Les femmes étendent leur linge à côté des bouses de vaches pendant qu’un homme construit pleins de boules de bouse qu’il fait sécher au soleil. Ils utilisent après ça pour entretenir les feux apparemment.
Nous avons pu, on plutôt j’ai pu car Marie n’y avait pas le cœur, assisté justement à une de ces incinérations. En fait à plusieurs en même temps et si j’en crois que j’ai entendu ça se passe toute la journée et toute le nuit. Il y a toujours un corps en train de brûler le long des ghâts. Je pensais que je serais dégouté mais en fait le corps est enveloppé dans une sorte de draps et entre les flammes et la fumée on devine à peine la forme du corps. Je pensais que l’odeur serait infecte mais je n’ai rien senti. Je suis enrhumé donc ça m’a peut être épargné mais je ne crois pas. Malgré tout ça reste impressionnant et même si je ne connais même pas le visage de ces personnes ça reste émouvant.
Je suis resté 10 minutes puis j’ai rejoins Marie qui s’était écartée de la scène quelques mètre plus loin. Nous avons repris notre marche et nous allons sortir des ghâts pour aller visiter un temple quand nous sommes tombés nez à nez sur l’équipe des Froggys, un duo d’amis voyageant dans des conditions similiaires aux nôtres. Quand nous étions en France je lisais déjà leurs avantures comme une sorte de mise en bouche de ce que nous allions vivre. Depuis je continuais de lire leur blog en racontant à Marie leur péripéties.
Nous avions déjà échangé des mails et dernièrement nous avions parlé de nous rencontrer en Inde mais il n’y avait encore rien de fixé. Comme quoi le monde est petit.
Du coup nous avons changé nos plans et nous sommes retournés sur nos pas tout en parlant de nos aventures respectives. Ils n’avaient pas encore mangé du coup nous les avons accompagnés jusqu’à un restaurant où nous avons terminé l’après midi à discuter de voyage, de l’Inde et de la cuisine française. On se rend compte que pour chacun d’entre nous (et selon leur expérience pour tous les Français qu’ils ont rencontrés pendant le voyage) la cuisine est quelque chose d’important. D’une part notre gastronomie nous manque et de l’autre la gastronomie indienne nous lasse. Elle n’est pas mauvaise et parfois on a même de bonnes surprises mais franchement elle n’est pas très variée et souvent trop épicée.
Bref nous avons passé un excellent moment, ça fait du bien de partager notre expérience avec des voyageurs qui comprennent exactement de quoi on parle et en plus en français. A 18H00 nous sommes retournés sur les ghâts pour assister à une cérémonie. Franchement il y avait une sacrée ambiance. Nous ne savons pas exactement de quoi il s’agissait mais il y avait plusieurs hommes en tenues de cérémonies exécutant différents gestes au rythme de la musique. J’imagine qu’il s’agit d’une sorte de rituel pour les dieux. Toujours est il qu’il y avait pleins de couleurs, l’odeur les encens, le feu des bougies, les pétales qui lançaient dans les airs, le bruit des tambours qui résonnaient, les gens qui frappaient dans leurs mains pour les accompagner, les bateaux remplis de touristes sur le Gange pour admirer le spectacle… Bref les vidéos raconteront ça certainement mieux que moi.
Après quoi nous sommes allés au restaurant pour terminer notre conversation et nous restaurer. Nous avons bien mangé et au cours du repars plusieurs hommes avec des tambours sont passés dans la rue pour jouer leur musique dans toute la ville. J’aime bien le bruit des tambours car ça résonne en moi, leur force me pénètre. Encore une bonne ambiance, une bonne énergie.
Ce matin nous restons à la gueshouse pour faire notre linge, s’occuper de notre site et acheter notre billet d’avion pour la Thaïlande. Oui je sais Marie avait annoncé que nous allions au Népal et au Tibet mais finalement nous changeons encore d’avis car nous venons d’apprendre qu’un avion Inde Thaïlande serait beaucoup moins que toutes les autres solutions. En plus nous avons encore eu d’autres échos par rapport au Tibet comme quoi ce n’était pas forcément intéressant de s’embêter à trouver une agence de voyage la moins chère possible pour finalement passer 10 jours maternés à faire de la visite encadrée. Pour le Népal nous avons toute notre vie pour y retourner. Je dis ça sérieusement, je veux dire on pourra par exemple s’entraîner en France pendant un an et puis revenir au Népal pour faire un gros trek ou une partie de l’ascension de l’Everest. Mais à l’heure actuelle nous ne sommes pas entraînés pour un treck et en plus ça coute cher car il taxe la nourriture dans les refuges comme pas possible.
Donc le plan définitif est d’aller en Thaïlande depuis l’Inde. Après on pense qu’on devrait remonter jusqu’à Hong Kong par le Laos pour redescendre ensuite par le Viêt-Nam et Cambodge. A voir.